Hannibal (saison 1) de Bryan Fuller

Hannibal Lecter est un psychiatre qui officie dans la bonne ville de Baltimore. Cette dernière connait un regain d’activité chez les tueurs en série (pas moins de 13 tueurs sur l’ensemble de la saison 1, soit une moyenne exacte d’un tueur en série par épisode pour ne pas désorienter le spectateur). Jack Crawford, agent spécial au FBI, décide d’intégrer dans son équipe Will Graham, professeur et agent également, spécialisé dans l’étude des profils de tueur en série. Un profiler comme on dit, mais pas n’importe quel profiler, car Will a une capacité spéciale (outre celle de s’entourer de chiens) : Will a la capacité d’entrer en empathie avec les tueurs, ce qui lui permet de lire parfaitement la scène du crime, de comprendre le déroulement des événements et d’offrir ainsi, en quelques minutes chrono, un mobile et un profil pour chaque meurtre.

Le seul problème est que Will à force d’entrer en empathie avec les tueurs, finit par devenir instable. Entre alors en scène, Hannibal Lecter, qui va suivre Will pour à la fois l’aider dans ses enquêtes et dans sa vie personnelle afin qu’il ne perde par complètement pied.

La vogue des tueurs en série n’a donc pas été close par la dramatique expérience de Dexter. On en retrouve d’ailleurs ici quelques gimmicks, comme ce sang qui apparait en profusion dans le générique. Les fantasmes autour de ces tueurs en série supposés hyper-intelligents et leur relation ambigue avec les détectives qui les pourchassent ont eux aussi la vie dure.

Le fantasme est ici au coeur de la série, donc. Cette dernière ne tient que par lui, ce qui la rend problématique. D’une part parce qu’on peut légitimement se demander pourquoi le spectateur a besoin de fantasmer sur ce qui ne l’est pas (Emile Louis, Guy George ne font fantasmer personne et sont très loin de l’image du tueur en série hyper-intelligent). D’autre part, parce qu’un fantasme par définition est éphémère, il faut donc sans cesse le renouveler, d’où la profusion des serial killers dans cette série, l’introduction des copycats (un motif éculé au cinéma mais récemment importé dans les séries pour renouveler le fantasme du genre) et la grandiloquence visuelle des meurtres (certains sont mis mis en scène de manière indécente comme des oeuvres d’art).

To be a serial killer or not to be?

 

La série multiplie les clichés du genre:

Un profiler empathique version Cold Case dont l’interprétation se limite à quelques mouvements nerveux, à des t-shirts mouillés de sueurs et à des relations de proximité avec ses chiens. Le personnage de Will n’est absolument pas écrit ni étoffé au fil des épisodes. Il a un don, qu’il utilise pour comprendre les tueurs ; ce don le rend instable. Seul élément connu du personnage : une maison isolée et une ribambelle de chiens. A part ça, il n’existe pas, et n’est apparent à l’écran que dans ses scènes d’énervement, de désorientation… ce qui finit pas lasser à force.

Des tueurs intelligents présentés par la série comme tuant pour des motifs extrêmement intellectuels, rendant ainsi ces crimes artistiques, créatifs, vertueux ou vengeurs au choix (mais jamais sexuels ou simplement bassement impulsifs). Les meurtres deviennent au fur et à mesure des épisodes de plus en plus mis en scène et de plus en plus ridicules. La scène de la plage en est un exemple cuisant : faire un totem à partir d’une multitude de corps, expliquer que l’agencement des corps répond à une logique pour ne garder de cette scène que son côté visuel et le fait que le premier meurtre soit au bas de l’édifice et le dernier au haut est relativement pathétique.

Une psychologie de bas étage, faisant étalage d’une connaissance plus que modeste des ressorts de la psychologie humaine : quand on tue, on se sent fort et j’en passe des plus sensationnelles.

Une complicité entre le profiler et le tueur en série (pour brouiller les pistes), idée datée depuis le film d’ailleurs et reprise dans d’autres séries comme Dexter ou Luther.

Un profiler avec un don unique version The Mentalist ou Numbers, don mis en scène de façon outrancière par le réalisateur (ce fond noir avec ce balancement d’un trait doré tel un métronome, dont on doit louer la créativité, mais sans en chercher le sens), don qui n’a que peu d’intérêt face aux techniques modernes d’investigation, mais qui ici prend tout son sens dans cette mascarade de série policière.

Et malgré son titre et la construction narrative qui en découle (on doit suivre Hannibal), il faut quand même que les scénaristes s’entêtent à introduire dans chaque épisode une nouvelle affaire avec un nouveau tueur en série.

Un psychiatre/ tueur en série qui joue la carte du mystère. Quand il mange, le réalisateur joue sur l’ambiguïté des plats. Mais comment peut-on jouer la carte du suspens sur un personnage déjà connu ? On sait qu’Hannibal mange ses victimes, je ne vois pas l’intérêt de jouer là-dessus. L’interprétation de Mads Mikkelsen est très en-deçà de ce qu’il est capable de faire en tant qu’acteur. Hannibal apparait comme un personnage précieux, s’adonnant au luxe, aimant jouer avec les gens, mais il ne m’a absolument pas inquiétée. D’ailleurs on notera l’idée que les gens intelligents comme Hannibal vivent dans le luxe, dans des maisons classes et bien rangées, aiment faire de la bonne cuisine et boire du vin. Le comble de la préciosité : de la bière vieillie dans un fût de vin, on frôle l’effroi.

Hannibal est donc intelligent, tout comme les autres tueurs en série, et comme Will. Leur intelligence leur permet de mieux comprendre ce qui les entoure. Elle permet au spectateur de fantasmer sur des meurtriers sordides et sur une série convenue et sans grand intérêt. Comme elle n’a rien à apporter au personnage d’Hannibal, elle doit combler ses manquements en multipliant les affaires de tueurs en série et en s’enfonçant dans l’outrance visuelle mais en oubliant finalement l’essentiel : son propos.

Hannibal m’a finalement convaincue d’une chose : seules les séries policières ayant une approche sociale du crime valent le coup d’oeil. Pour le reste autant fantasmer sur son journal télé.

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