The Dig de Simon Stone

Angleterre, été 1939 : Edith Pretty (Carey Mulligan), (jolie) veuve du Col. Frank Pretty et riche propriétaire terrienne du Suffolk, embauche Basil Brown (Ralph Fiennes), un « excavateur » et archéologue amateur et autodidacte, pour mener l’excavation/ fouille des monticules/ tumuli qui se trouvent sur sa propriété. Alors que la guerre plane, littéralement, à l’horizon, la découverte qu’ils vont réaliser va révéler un pan entièrement nouveau de l’histoire de l’Angleterre et, peut-être surtout, le plus grand trésor archéologique jamais exhumé jusqu’à ce jour dans le pays, tout en mettant au jour les relations fragiles et passionnées entre tous les protagonistes de cette histoire à la fois banale et extraordinaire.

The Dig raconte ainsi la découverte de la tombe-navire et du trésor de Sutton Hoo, datant de la période des « Dark Ages » (entre le départ des Romains face aux invasions/ migrations des Angles et des Saxons et l’arrivée des Vikings, soit entre le Ve et le VIIIe siècle), histoire qui a suscité un certain engouement outre-Manche, faisant exploser la fréquentation de la page qui lui est consacrée sur le site Internet du British Museum (en lien ci-dessus) et le compte Twitter de la conservatrice en charge de cette section du musée.

De manière intelligente et subtile, le film traite non pas de la fascination pour les trésors archéologiques, mais de ce qu’ils font aux femmes et aux hommes qui les découvrent, alliant ainsi une réflexion sur l’éternité et la mort avec l’urgence du temps présent. The Dig est porté par une distribution classieuse : Carey Mulligan, merveilleusement belle dans la simplicité qu’elle cultive à rebours de la sophistication habituelles des stars ; Ralph Fiennes, tout en introspection dans son rôle d’un autodidacte plein de bon sens ; Lily James, incarnant avec beaucoup de sensualité, Peggy Piggot, épouse frustrée d’un archéologue toady du grand ponte du British Museum, Charles Phillips.

Plus encore : il est fascinant de voir comment les Britanniques 1) font d’une découverte archéologique, aussi majeure fut-elle, l’objet d’un film qui est mis en scène quasiment à la manière d’un thriller, avec la sur-dramatisation provoquée par la guerre qui menace, incarnée par ces avions de la RAF qui strient le ciel à plusieurs reprises, et 2) y voient l’occasion d’une évocation élégiaque d’un monde où les femmes et les hommes étaient davantage en prise avec la campagne anglaise, ce motif si central dans l’imaginaire britannique. Plusieurs scènes, et les dialogues, mettent en avant la place de la nature, des herbes, du ciel, des oiseaux, de leurs cris, du son de la rivière, la texture de la terre et la capacité à les identifier, le tout étant articulé dans une scène — au demeurant totalement ratée — au cours de laquelle Brown explique à Pretty qu’il existe une continuité depuis les premières peintures préhistoriques jusqu’à aujourd’hui, aujourd’hui étant le présent du film de 1939 ou bien le présent du Brexit et de la covid, bien entendu.

C’est cette évocation d’un monde, ou plutôt d’un temps, des temps, à la fois ceux qui sont révolus, c’est-à-dire les « âges sombres » des Anglo-Saxons et de leurs éphémères (vus d’aujourd’hui) royaumes et celui du film, qui forme le coeur du propos du film. Propos qui devient immédiatement décousu par une réflexion sur la paternité/ maternité, c’est-à-dire la transmission, empêchée par les vicissitudes de l’histoire et des corps (Carey Mulligan est malade, elle a perdu son mari juste après la naissance de leur enfant, Ralph Fiennes et son épouse n’ont pas d’enfant) ou des passions (Lili James n’en peut plus de désir face à son mari mû par ses attractions homosexuelles). De la même manière, le montage, inutilement complexe, empêche de vraiment s’immerger dans les scènes humaines, en découplant les dialogues des scènes filmées (ainsi on entend ce que disent les personnages en voix off tandis que les images montrent autre chose), comme si le réalisateur n’était pas sûr que ce qu’il avait à montrer et à raconter était suffisant et qu’il devait rajouter artificiellement une couche de déconstructivisme. Inversement, une scène importante dans le film, celle de la découverte des photos du chantier de fouille par Peggy, aurait dû être l’occasion d’une jolie mise en abyme en présentant les véritables photos de l’évènement, créant ainsi un pont entre le film et nous, achevant le propos. Hélas, il n’en est rien. Quant aux personnages, ils deviennent rapidement des caricatures : Brown est le prototype du « gars plein d’bon sens, ma bonne dame » (son épouse est encore plus caricaturale) ; Edith Pretty est réduite à la figure de la noble dame malade au destin tragiquement romantique ; Peggy devient l’intello frustrée du fait de son mari aux tendances homos et qui n’en peut plus de tomber dans les bras d’un homme, un vrai …

Pourtant, malgré tous ces défauts (et ils sont assez rédhibitoires), le film parvient  à conserver une sorte de grâce assez séduisante, qui rend supportable le discours parfois plat, parfois qui sent sa « terre et les morts » (typique de cette société encore très foncièrement, ah, ah, aristocratique qu’est l’Angleterre fascinée par les lignées et ses pseudo-origines anglo-saxonnes ainsi qu’en atteste le succès récent de séries comme Vikings, The Last Kingdom, Britannia, qui ont pu, du reste, préparer le succès de The Dig), parfois même franchement niais. Est-ce la beauté et le talent des actrices et des acteurs ? C’est possible. Est-ce la manière de filmer les paysages, de filmer une fouille archéologique (imagine-t-on un film français sur le lac de Paladru ou même sur Vix ?) ? Est-ce la photographie avec ce grain un peu épais et cette lumière qui rend si bien compte des étés anglais ? Sans doute un peu de tout cela.

A quand un film français sur la tombe de Childeric et son anneau sigillaire, ses fibules et ses abeilles d’or ?

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