Tombeaux, autobiographie de ma famille d’Annette Wieviorka

Suite au décès de l’une de ses tantes, Berthe, qui n’a laissé après elle aucune descendance, Annette Wieviorka a décidé d’écrire le livre qui végétait en elle depuis de nombreuses années, celui sur ses origines. L’historienne, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, a en quelque sorte profité des longs mois du confinement pour revenir sur l’histoire de sa famille, une famille juive qui a vécu les pages les plus tragiques de notre histoire contemporaine.

En s’appuyant sur des archives et des documents personnels, l’historienne met en récit la vie de la famille Wieviorka et de la famille Perelman, toute deux débarquées à Paris depuis la Pologne dans les années 1920 et qui connaissent la difficile acclimatation en France, l’engagement communiste ou socialiste pour certains d’entre eux, et la lutte pour la survie face aux rafles. Certain choisiront de partir, d’autres préféreront rester. Des choix cruciaux qui vont marquer à jamais cette famille et leurs descendants.

J’ai commencé à écrire ce récit, auquel je pensais depuis des dizaines d’années, sous le signe du COVID : confinement, couvre-feu, masques, pass sanitaire. La pandémie m’avait donné un sentiment d’urgence : il fallait le terminer avant de disparaître. Ce serait mon dernier livre. Un écrit-testamentaire. Mes tombeaux et mon tombeau. Je le termine alors que la guerre fait rage en Ukraine. Elle manque de m’en détourner. Cette guerre au cœur de l’Europe, que la rhétorique poutinienne — nazis, génocide, pogroms… — ramène au temps de la Seconde Guerre mondiale, frappe de dérision mon entreprise de redonner vie aux miens et risque de me paralyser. Je lis pendant des heures la presse et regarde la télévision. Sur les cartes, les noms des lieux que j’ai visités par le passé, certains qui évoquent l’histoire de ma famille, comme Kiev (aujourd’hui Kyiv) où se deroulèrent les obsèques nationales de mon grand-père Avrom Wieviorka, ou Odessa où vécut Roger après sa libération d’Auschwitz.

L’auteur mêle dans ce récit personnel des éléments de contextualisation (sur les raisons qui l’ont poussée à écrire ce livre), des éléments biographiques sur les souvenirs et les documents personnels qui lui restent de ces aïeuls et une mise en perceptive historique puisqu’elle connaît bien cette période. Elle essaie régulièrement de se placer à la hauteur de ses « personnages », en se mettant dans le contexte de l’époque (que savaient-ils ? qu’ignoraient-ils ?), ce qui lui permet de donner une vision plus complexe de l’époque où les réseaux de connaissance, l’échanges d’information sont autant de données primordiales qui peuvent guider un choix, bon ou mauvais a posteriori.

Le nombre important d’individus évoqués dans le livre rend parfois sa lecture complexe même si un arbre généalogique placé en fin d’essai permet de mieux situer certaines personnes. De nombreuses digressions nuisent parfois à sa fluidité mais il n’en demeure pas moins un témoignage essentiel (et éclairé) sur la survie des familles juives pendant la période de l’occupation.

Laisser un commentaire