Une sortie honorable d’Eric Vuillard

Un groupe d’inspecteurs du travail envoyés en Indochine pour visiter les entreprises Michelin découvrent avec un certain effroi les condition de travail des ouvriers vietnamiens et les châtiments qu’ils subissent quand ils ont l’audace de vouloir fuir. Mais que dire face à une entreprise aussi prospère que Michelin, fleuron de l’industrie française.

Pour autant les jours de Michelin sont comptés en Indochine après la lourde défaite de l’armée française à Cao Bang. Si tout le monde, à quelque exception près, a compris que la France va perdre l’Indochine, il reste à sortir honorablement du conflit et pour négocier de la meilleure manière un retrait de la France, il faut une victoire de l’armée.

Aussi à Diên Biên Phu, l’armée française se regroupe, prête à sacrifier ses derniers hommes — en majorité des tirailleurs — pour une illusoire victoire qui permettrait à la France de sortir la tête haute. Alors que les militaires construisent méticuleusement ce qui sera à terme leur tombeau, les industriels français font déjà volte-face, rapatrient leurs dividendes et s’apprêtent à engranger des bénéfices records.

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La guerre des pauvres d’Eric Vuillard

On connait peu de choses sur les origines de Thomas Muntzer : son père serait mort pendu, sacrifié par la décision arbitraire d’un comte ; sa mère aurait été peu présente car souffrante. On sait qu’il a fait des études de théologie à Leipzig, qu’il devient un proche de Luther avant de s’en démarquer puis de le critiquer de manière virulente dans des pamphlets. Thomas Muntzer voulait s’adresser au bas peuple, pour qu’il entende la parole de Dieu. Il cherchait également à instaurer une société plus juste fondée sur l’égalité entre les hommes, égalité voulue par Dieu. Aussi a-t-il régulièrement fustigé le faste des princes et des clercs, y compris Luther.  Il s’est joint à la révolte des paysans entre 1524 et 1526 où il prêche pour l’égalité. La révolte est matée dans le sang le 15 mai 1525. Dans les jours qui suivent, Thomas est arrêté. Dans un premier temps, il se rétracte mais finalement réitère ses accusations ce qui lui vaut d’être décapité et sa tête exposée sur les remparts de la ville de Mühlhausen. Lire la suite

L’Ordre du jour d’Eric Vuillard

20 février 1933, les vingt-quatre plus grands industriels allemands sont reçus par le parti nazi, Goering et Hitler en tête, afin de solliciter leur aide financière en vue des élections du 5 mars, ce qu’ils acceptent bien volontiers de faire. Quelques années plus tard, c’est au tour des diplomaties française et anglaise d’observer avec négligence et désinvolture l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, après avoir laissé cette dernière se remilitariser tranquillement. Lire la suite

14 Juillet d’Eric Vuillard

Que savons-nous de la journée du 14 juillet ? Quelques noms dans l’inventaire des Vainqueurs de la Bastille. Un nom, un prénom, une date et un lieu de naissance, quelque fois un métier et un domicile. Et la preuve qu’ils étaient là, qu’ils ont participé à l’acte fondateur de la Révolution française. Pour le romancier c’est à la fois peu et c’est suffisant pour « franchir le guet », celui face auquel Patrick Boucheron s’arrêtait, et proposer par la fiction ce qu’a pu être la journée du 14 juillet pour ces individus tombés depuis dans l’oubli des archives. Le romancier Eric Vuillard propose donc un récit de cette journée, sous la forme d’une litanie de noms, avec le regard de l’époque actuelle qui, de son point du vue, partage avec la période révolutionnaire de nombreuses similitudes. Lire la suite

Congo et La Bataille d’Occident d’Eric Vuillard

Les deux courts récits ont été publiés en parallèle en 2012, ils ont en commun d’être tous les deux des récits historiques (on peut difficilement parler de roman), d’émaner d’un narrateur surplombant et de décrire une civilisation occidentale absurde, arrogante et insignifiante. Dans Congo, Eric Vuillard disserte sur l’ennui des puissants lors de la conférence sur l’avenir de l’Afrique, organisée à Berlin en 1884. Un ennui tel qu’il aurait poussé le roi des Belges, Léopold II, a acquérir un territoire en Afrique pour y construire un royaume à sa démesure. Dans La Bataille d’Occident, le même auteur décrit l’entrée en guerre des puissances occidentales en 1914. A grand renfort de chiffres et de références historiques, il décrit l’absurdité et la violence de la guerre, l’arrogance des décideurs et la vacuité des existences, jetées en pâture dans les tranchées. Lire la suite